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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Rédaction d'un testament olographe dans une langue que ne connait pas le testateur


Civ. 1, 9 juin 2021, n°19-21.770



Un allemand, divorcé, vivant en France depuis 1999 y décède en 2003. Il laisse plusieurs enfants. Par un testament olographe rédigé en langue française en date du 25 mars 2002, il institue sa sœur légataire universelle.


Un autre écrit rédigé en allemand, intitulé traduction du testament et daté du même jour, indique que le testateur désigne sa sœur comme exécuteur testamentaire général et lui lègue son patrimoine disponible, même si celle-ci n’est pas une héritière directe. Ce second document n’est pas de la main du testateur, mais lui a été présenté pour comprendre le sens du testament.


La sœur de défunt assigne les héritiers en délivrance du legs et en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage du régime matrimonial des ex-époux et de la succession.


La Cour d'appel de Chambéry déclare valable le testament olographe en langue française du 25 mars 2002.


Les héritiers forment un pourvoi.


La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel pour violation de l’article 970 du code civil qui prévoit que :


"Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme"


Qu'en l'espèce, il est constant que le testateur avait rédigé le testament dans une langue qu’il ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté.


La défunt était décédé avant l'entrée en vigueur du Règlement européen n°650/2012. Le testament était donc soumis à la jurisprudence antérieure.


Il est clair que la question relève du droit international privé, le testateur domicilié en France étant Allemand. On peut dès lors être surpris par l'application du droit français sans référence à une règle de conflit de lois.


La Cour de cassation casse au visa de l'article 970 du Code civil relatif à la forme des testaments olographes. Outre le fait qu'il faut d'interroger sur la loi applicable à la forme du testament, force est de constater que ce dernier respectait les conditions de l'article 970 du Code civil puisqu'écrit, daté et signé de la main du testateur.


La forme des testament relève de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires. Cette convention prévoit des règles à coloration matérielle à rattachements alternatifs visant à favoriser la validité en la forme du testament.


Ainsi, le testament est valable en la forme s'il est conforme à la loi interne


a) du lieu où le testateur a disposé, ou

b) d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou

c) d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou

d) du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou

e) pour les immeubles, du lieu de leur situation.


La Cour de cassation aurait donc dû interroger la loi allemande de la nationalité du testateur avant d'envisager la nullité en la forme du testament.


Surtout, la validité du testament ne relevait pas selon nous d'une question de forme mais d'une question de fond.


Selon la Cour de cassation, le testament était rédigé dans une langue que le testateur ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté.


Ce n'est donc pas tant la question de la forme et notamment de la langue utilisée qui est en cause que de savoir si l'acte pouvait être considéré comme l'expression d'une volonté libre et éclairée du testeur.


La validité quant au fond du testament relève de la loi applicable à la succession. Avant le règlement européen n°650/2012 il fallait distinguer selon que la succession était mobilière ou immobilière. Selon le cas, s'appliquait la loi du dernier domicile du défunt ou la lex rei sitae.


Là encore, la Cour de cassation fait l'économie de la règle de conflit de lois. Le défunt résidait en France, la loi française s'appliquait donc à la succession mobilière. Mais nous ne savons pas si le défunt détenait des immeubles bien que nous puissions le supposer puisqu'une demande concerne le paiement d’une indemnité d’occupation. Mais nous ne savons pas dans quel Etat il se situe.


Selon nous la question relevait de la validité au fond du testament et qu'il aurait fallu rechercher si ce dernier relevait de la volonté du testateur. Contrairement à la Cour d'appel, la Cour de cassation a bien vite écarté l'acte rédigé d'une autre main en langue allemande intitulé traduction du testament et daté du même jour pour déterminer la volonté du testateur.


Quelle que soit la qualification retenue, il fallait au préalable déterminer la loi applicable.

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